
exposition japonisme
Ombres et Lumières nippones - Meiji, 150 ans de modernité(s)
23 Juillet - 3 Août 2018
Lieux :
La salle des consuls - Mairie de Gourdon, 46300 Gourdon
​
La Fabrique - 1 place de la Libération, 46300 Gourdon
Vernissage : le 27 juillet 2018
- La Fabrique coffee shop à 17h
- Salle des Consuls à 19h
Brochure presse



Un peu d'histoire…
150 ans depuis l'ouverture de l’archipel nippon et la restauration Meiji - 150 ans d'échanges, de modernité et de Lumières entre la France et le Japon.
Le 8 juillet 1853, les voiles noires du Commodore Perry apparaissent au large des côtes d'un pays lointain et mystérieux, irrémédiablement fermé depuis près de trois siècles à toute incursion étrangère. En ce temps là, le Japon, dirigé d'une main de fer par le shogunat et la famille des Tokugawa, vivotait d'intrigues intestines à l'écart du monde. C'était sans compter l'appétit de la puissance étasunienne et son irrésistible ascension qui, dans son sillage, entraîna Européens et Chinois à la conquête d'un marché encore impénétrable. Pris de court et de stupeur, le pouvoir en place et la société dans son ensemble vacillèrent de concert : en 1868, le shogunat abdiqua, le pouvoir impérial fut restauré, la modernisation accélérée et éclairée du Japon commença sous l'orchestration d'une figure devenue depuis quasi-mythologique : le grand empereur Meiji. C'était il y a 150 ans, à l'autre bout du monde.
Le japonisme et le goût de l'Orient
Depuis, le Japon et la France n'ont eu de cesse de se fasciner l'un l'autre, et de s'influencer. Alors que Toulouse-Lautrec, Monet ou encore van Gogh découvraient les estampes de grands maîtres japonais comme Hokusai ou ceux du monde flottant de l'ukiyo-e, Kuroda Seiki, Hosui Yamamoto et Fuji Masazo venaient se former dans les ateliers des maîtres impressionnistes à Paris comme en province. L'engouement national pour un exotisme tout nouveau et étrange encore alimenta un puissant courant artistique, le japonisme, qui ne toucha pas qu'à la peinture mais embrassa également dans un même mouvement chineur et curieux la littérature, la gravure, l'artisanat, la mode ou encore, la publicité.
150 ans plus tard, l'attraction entre les deux cultures n'a rien perdu de sa vivacité. La France et son extraordinaire créativité sont régulièrement mises à l'honneur dans un archipel qui exporte vers l’Hexagone une culture et une technologie d'une fantastique inventivité. Les élégant(e)s et autres connaisseurs de Paris et de Tokyo apprécient d'un goût égal l'excellence et la finesse des savoir-faire des uns et des autres.
Tout partit des campagnes...
Loin des capitales, il ne faudrait toutefois pas croire que les territoires n'ont rien à dire, rien à proposer, rien à apporter. Bien au contraire, les espaces ruraux ont constitué les terreaux originels de la fascination japoniste : c'est en Normandie que Monet découvrit, chiffonnées, les reproductions publicitaires des estampes nippones ; c'est dans les provinces rurales du Kyushu que les tout premiers pionniers de la modernisation du Japon s'élancèrent à la découverte de l'Europe. 150 ans plus tard, c’est bien à Cheverny que le maître du nihonga, Hiramatsu Reiji, vint rendre hommage aux nymphéas de Monnet. Deux ans plus tard, c’est depuis la campagne nîmoise qu’un autre maître, de l’abstrait cette fois – Jean-Claude Da Fanti – voulu répondre à Hiramatsu avec sa vision du palimpseste nymphéatique, exposée à Tokyo en janvier 2017. Lointaines héritières de la diffusion par les marges d’une modernité hybride, qu'ont donc à apporter les campagnes françaises au dialogue culturel franco-japonais contemporain ?
L'appel d'ARTOPIAL pour un nouveau japonisme rural
Pour son hommage aux 150 ans de la restauration Meiji, ARTOPIAL a choisi le Lot pour y exposer des artistes français représentatifs de la nouvelle vague japoniste contemporaine. A la suite d'un appel national et d'une sélection par un jury indépendant et souverain dans ses choix, ARTOPIAL est fière une fois encore de pouvoir offrir au public un échantillon de l'extrême créativité des artistes français du Sud et des territoires ruraux participant à la redécouverte et à la réinterprétation de l’influence nippone sur les arts européens. Si le thème des œuvres japonistes exposées est libre, le titre de l'exposition, « Ombres et Lumières nippones – Meiji, 150 ans de modernité(s) », renvoie à la fois à la nature résolument positiviste de la restauration Meiji, sa place dans l'histoire du Japon et de l'humanité, et l'influence nourrie entre Orient et Occident qui la caractérise.
Culture de l’ombre et de l’obscure : sur les traces de Tanizaki
Chères aux impressionnistes, les thématiques de l'ombre et de la lumière ne renvoient pas uniquement aux jeux de clair/obscure que l’on retrouve déjà dans la peinture flamande du siècle d’or. Si les Lumières symbolisent aussi la pensée progressiste et moderne précédant la Révolution française, terreau intellectuel et savant également à l’œuvre dans le bouillonnement de Meiji auquel s’oppose l’obscurantisme, parfois très exagérément décrié, des pensées médiévales, ombre et lumière caractérisent dans un tout autre registre l’approche du Beau perçu et formalisé respectivement par les cultures japonaise et occidentale.
Tanizaki, écrivain et philosophe majeur du premier XXème siècle, oppose à cet égard la culture de l’ombre qu’il associe au Japon à celle de la lumière à laquelle il identifie l’Occident. Selon lui, l’art nippon se serait construit contre la puissance destructrice du soleil japonais auquel les habitants de l’archipel tenteraient sans cesse de se soustraire : à la vivacité parfois létale de ses rayons et de la nature en générale, s’opposeraient les créations et les réalisations humaines, art et architecture en tête. Ainsi, tout comme la main abritant les yeux projette son ombre sur le visage du contemplateur, l’essence de l’art nippon ne serait qu’ombre et pénombre résultant de l’humble tentative de se protéger de l’excès de lumière. Tanizaki dit d’ailleurs à ce sujet : « Nous autres Orientaux nous créons de la beauté en faisant naître des ombres dans des endroits par eux-mêmes insignifiants ». Et d’ajouter : « Je crois que le beau n’est pas une substance en soi, mais rien qu’un dessin d’ombres, qu’un jeu de clair-obscur produit par la juxtaposition de substances diverses. De même qu’une pierre phosphorescente qui, placée dans l’obscurité émet un rayonnement, perd, exposée au plein jour, toute sa fascination de joyau précieux, de même le beau perd son existence si l’on supprime les effets d’ombre », (Eloge de l'ombre, 1933).
Pour un nouveau japonisme rural
Par cet appel, ARTOPIAL espère participer à la valorisation des forces vives et créatrices dont regorgent nos territoires ruraux. Pris entre ombre et lumière, ces derniers ne relèvent pas uniquement d’une lutte entre Occident et Orient, modernité et obscurantisme, mondialisation et développement local : ils sont d’abord soumis au choix premier de l’exposition ou de l’oubli, de la création ou de l’inaction. Le nouveau japonisme n’est pas uniquement le fruit du dialogue entre la France et le Japon : il est aussi le produit fragile d’arbitrages entre des choix contraires – arbitrages dont reste libre chaque territoire et les acteurs qui le font vivre.


